Alors que les Saints de glace (11-12 et 13 mai) s’approchent de nous, voici quelques conseils , si d’aventure, vos pommes de terre gèlent. Ils sont prodigués par le préfet en place à Bourbon-Vendée, en février 1830.
Le marquis de Foresta, titulaire de la charge s’adresse aux maires :
Messieurs,
Les gelées, extraordinaires dans notre climat, qui règnent encore en ce moment, ont altéré une partie des provisions destinées à la subsistance des hommes et des animaux, et particulièrement les pommes de terre. Au dégel, ce tubercule, altéré par le froid, est d’ordinaire abandonné ; dans beaucoup de cas, on en tire aucun parti.
Des hommes instruits ont soumis les pommes de terre gelées à diverses expériences et ils ont reconnu que lorsque le froid a cessé, la fermentation, à la suite de laquelle ce tubercule se décompose, n’a lieu que lorsqu’il est mis en tas. Ils ont répandu des pommes de terre sur le gazon, sans autre précaution que celle de les isoler les unes des autres ; Ils les ont ainsi exposées en plein air, à l’action successive du froid, de l’humidité et de la sécheresse, et ils ont reconnu qu’après peu de temps et lorsqu’elles ont été desséchées et durcies par l’air et le soleil, elles sont très propres à être converties en fécule ou en farine, sans autre préparation que de les broyer ou même de les faire moudre au moulin. Cette farine, mêlée à celle du froment, compose un pain sain et savoureux. On en a même employé sans mélange, et obtenu du pain d’assez bonne qualité. La seule précaution à prendre, lors de la panification, est de tenir la pâte un peu plus molle, parce que dans la fermentation, la farine de pommes de terre absorbe une plus grande quantité d’eau que celle du froment.
Ce résultat doit influer d’une manière si avantageuse sur la nourriture du peuple, que je ne puis, Monsieur, que vous recommander de le faire connaître à ceux de vos administrés qu’il peut intéresser. Je verrais même avec plaisir que vous en fissiez faire sous vos yeux l’expérience. Le procédé est simple, n’exige aucune dépense et peut, sans aucun empêchement, être mis en pratique.
Note : Saint Grelottin, évoqué dans le titre, est un saint hivernal, patron des bûcherons. Un jour de grands froids de février, celui-ci travaillait avec tant d’ardeur, qu’un jour, il se scia le ventre ainsi que l’arbre qui était derrière lui ! Le « grand Saint Grelottin » est aussi le patron des fendeurs de bûches.
Sources : Shenov et Dictionnaire des saints facétieux.
Shenov – 27 avril 2023 – Erick Croizé